[La grande place de Turon]
Doppel’Anger, c’est le nom de ce vieil homme, qui déambule dans les artères embourgeoisées de Turon. « Vieux et ridé…très gentil aussi. Une canne à la main et un sac autour du cou…Il parle vachement bien ! ». C’est sans aucun doute ainsi que l’aurait décrit le petit garçon, qu’il a rencontré quelques jours auparavant. Le grabataire s’est adonné à l’un de ces jeux puérils, mais pour le moins distrayants, afin d’obtenir l’information, sans avoir à donner la moindre pièce…
Son « sac autour du cou », c’est cette sempiternelle sacoche de cuir qu’il porte en bandoulière, bombée d’herbes en tous genres et dont jamais il ne se sépare. Sa passion pour l’herboriculture n’a que peu de limites, si bien qu’en dépit de son âge avancé, il s’improvise souvent son propre cobaye. C’est sans aucun doute la raison pour laquelle, il s’est trouvé, à l’occasion, atteint d’hallucinations, mais aussi soulagé de maux plus où moins graves. Ainsi a t-il dans cette sacoche, de quoi soigner le plus bénin des rhumes, comme de quoi rendre un individu, sujet aux troubles les plus désastreux…
Il est l’un des douze membres éminents de l’assemblée des sages, mais aussi cet être dont tout le monde parle sans savoir de qui il s’agit réellement. Ici et là, on peut entendre des rumeurs à propos du « vieil homme », de ses pitreries ou de ses exploits, mais lorsque que l’un de ses acolytes le rencontre de la façon la plus anodine qui soit, il ignore que c’est de lui dont il est question. A la fois populaire et transparent, il marque les esprits des miséreux tout comme ceux de la cour royale.
Il progresse donc vers la grande place de Turon, encerclée de bâtisses toutes plus exceptionnelles les unes que les autres. De fresques légendaires en voûtes somptueusement taillées, les édifices de la capitale de l’Astrée ne manquent pas d’émouvoir l’habitant comme le voyageur. Doppel’Anger métaphorise son âge, avance avec difficulté, tout en balayant de sa canne les pavés de la place. Il suscite la pitié qu’il exige, excelle dans le jeu des apparences, puis se hâte, mais avec difficulté, à escalader l’une des estrades, de laquelle il compte attirer l’attention de la foule :
« Foutaises ! Ce ne sont que foutaises ! »
Les passants à proximité tendent l’oreille. Leurs regards intrigués se posent sur le vieillard.
« Imaginez un peu mon amusement, lorsque le mois dernier, je croisai notre bon roi, entouré de ses phacochères galonnés! »
La provocation enthousiasme les attentifs. D’autres, venus se ravitailler ou simplement se promener, s’approchent…
« Imaginez un peu mon agacement, lorsque ce même mois, le porc couronné ne trouva rien d’autre à donner à son peuple, que des vivres avariées et des pommes de terre flétries… »
Le sujet intéresse la foule et bientôt, le vieil homme parvient à capter l’attention de la majorité des passants de la place. Il n’y a plus qu’à attendre ce pourquoi il est réellement venu ici : le convoi… Il prolonge son invention, tout en joignant le geste à la parole et en brandissant sa canne en direction du ciel :
« Il prétextait alors une mauvaise récolte !!! Ce n’étaient bien là que foutaises, alors que le bougre et ses marcassins, s’amusaient au jeu de paume… de terres avec de jeunes et belles balles tout juste sorties de terre !!! »
L’audience de Doppel’Anger atteint son paroxysme, et ici et là, on éclate de rire. Le vieil homme regarde les individus amusés et constate sans étonnement, que même les plus privilégiés rigolent également de l’anecdote. Les plus modestes, quant à eux, n’ont pas forcément saisit la subtilité mais suivent la tendance…Il continue :
« Peut-être devrions-nous demander au roi la permission au jeu…. Ainsi pourrions-nous certainement manger convenablement nos propres récoltes !»
samedi 28 mars 2009
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1 commentaire:
Une histoire de bon matinqui permet de s'évader de la grisaille du ciel et de mon esprit ça fait du bien :)
Bisous
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