La discussion se prolonge, étale les anecdotes et les instants passés ensemble. Puis lorsque le silence clos les souvenirs, Phénémole reprend, tout en saisissant l’un des livres qu’il a posé sur la table :
« J’ai donc fait les recherches que tu voulais… et je t’ai gâté mon ami. J’ai même prit le temps de fouiner dans l’étage interdit de la bibliothèque, où je suis l’un des seuls à avoir accès… du moins, je le pensais… »
Doppel’Anger fronce les sourcils :
« Tu le pensais… Comment ça Phénémole ? »
« Et bien, figure toi que j’ai retrouvé de très anciens traités occultes aux pages déchirées… les traités même concernant les gens qui pensent la nuit… Etrange hasard n’est-ce pas ? Alors j’ai réfléchis… Le roi a cette clef… Ton adoré chef des sages « Arass’Anger » a cette clef… mais c’est là bien tout, et je doute que des hommes d’éducation se soient adonnés à souiller les trésors de l’Astrée. »
Doppel’Anger réplique immédiatement :
« Mon adoré chef… tu sais Phénémole, depuis qu’il est le chef des sages, sa capacité à agir en homme sage a dévié du droit chemin. Quant au roi, c’est un goujat en culotte à qui on a donné la béquée avec une cuillère en or, rien de plus… »
Phénémole ricane à la comparaison de son ami puis reprend tout en citant le livre:
« Alors… « penser la nuit » s’appelait dans les temps anciens « rêver ». On reconnaît celui qui rêve à ses agitations nocturnes… il est écrit que celles-ci sont dûes à un dérèglement de la conscience, lorsque l’inconscience prend le dessus. Les rêves sont des visions altérées, qui offrent une distorsion du temps passé, du temps présent et du temps à venir… L’Ogéon… c’est ainsi que l’on nommait l’époque où les gens rêvaient. On disait de ceux qui rêvaient, qu’ils étaient capables de tous les miracles… et je te passe les exemples qui se déploient par centaines dans cet opus. L’Ogéon semble avoir été l’époque la plus belle qui ait existé. Les hommes étaient libres et gouvernés par leurs seules ambitions et qualités… une utopie de nos jours Doppel ! »
Doppel’Anger lance amusé : « Et quelle utopie… puissent les choses changer… Mais dis moi plutôt ce que je ne sais pas… »
Phénémole esquisse un sourire :
« Tu sais beaucoup trop de choses mon ami, pour que je sache ce que tu ne sais pas ! Laisse-moi donc continuer… Donc l’époque faste de l’Ogéon eut son heure de gloire et l’Astrée eut un besoin de gouverne, poussé par l’envie de pouvoir et de gloire de certains. Trois chefs de clan, dont le plus aguerrit : Mom’Abeth, se partagèrent l’astrée pour y instaurer une forme de dictature où tout fut compté. Les peuples s’appauvrirent, les écarts sociaux s’accentuèrent jusqu’au jour de la grande révolte, initiée par ceux que les rêves berçaient… La révolte vit malheureusement les peuples balayés par l’immense armée des rois anciens. Chaque foyer fut alors inspecté sous décret royal : « trouvez ceux qui rêves, ramenez les et pendez les ». Les exécutions se multiplièrent jusqu’au dernier de ceux qui rêvaient : Ephyros. Les textes qui relatent de son exploit semblent invraisemblables, mais je te les lis tel qu’ils sont écrits :
« L’homme ne put être saisit, chaque garde qui tentait de le toucher s’immolait et lorsque les rois ordonnèrent, en dernier recours, aux armées de le capturer, elles disparurent sous la volonté d’Ephiros»… incroyable non ?
Doppel’Anger reste bouche bée un instant :
«Pour sûr… incroyable…. »
Tout excité, Phénémole prend un autre livre et l’ouvre à la page qui l’intéresse :
« Attends ! Ce n’est pas tout ! Voilà ce que j’ai pu trouver à l’étage interdit de la bibliothèque. C’est là l’un des textes que la royauté a catégorisé d’hérésie et donc, d’œuvre interdite : « Après ce qu’on appela le cauchemar d’Ephyros, les corps disparus des rois et de leurs armées eurent respectivement une tombe à leur effigie, au cimetière du bourg d’Azlet. » Un peu plus loin, l’auteur dit que les corps n’ont pas été détruits ni retrouvés ; qu’ils ont été condamnés à errer dans l’ombre, en immortels et qu’ils ne pourraient plus jamais voir la lumière du soleil… L’auteur ajoute : « Ces non-morts aspirent plus que tout à revoir la lumière et n’attendent qu’une chose : trouver un homme qui rêve pour ôter la malédiction et reprendre le pouvoir… »
Phénémole lève les yeux sur son ami, qui a le regard posé sur la cheminée, l’air grave :
« Alors Doppel, qu’en penses tu ? »
Le vieil homme prend sa canne sur le côté du canapé pour se redresser, puis annonce à son ami :
« Je te remercie mon bon Phénémole pour tout ce mal que tu t’ais donné. Et ce que j’en pense… j’en pense que les mois à venir feront le destin de millénaires à venir… »
Phénémole le raccompagne à la porte et lui tend sa sacoche, inquiet :
« N’oublie pas cela mon ami… et … y a-t-il quelque chose que tu ne m’aurais pas dit… »
Doppel’Anger s’empare de sa sacoche, puis pose la main sur l’épaule de son ami en lui adressant un sourire :
« Non mon ami, rien…rien ni personne qui ne mérite que je te mette en danger. Et puis… les murs ont des oreilles… »
Phénémole empoigne Doppel’Anger et lui souffle à l’oreille, comme s’il avait partiellement compris :
« Alors prends soin de toi mon vieil ami… et de quiconque aurait de l’importance à tes yeux… »
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2 commentaires:
Phénémole a bien de la chance d'avoir une plume comme la tienne ;o)
J'adore !!!
Phénémole dans le formol a perdu sa boussole chez le croquignole qui avait bu croyant que c'était de la gnôle !!!
Euh !!! Décidément ton écriture me déboussole grave !!! rire... désolée je ne le referais plus promis !!! ( enfin j'espère ) :o)
Douce journée ... ;o)
Merci Marie =*
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